Seydou KONE

Crise migratoire en Europe : « Il n’y a pas de victimes innocentes! »

 

La formule est de l’écrivain français Jules Romain. Elle pourrait à bien des égards, remarquablement faire écho aux récriminations incessantes d’une partie de l’opinion publique européenne qui se hérisse face à l’afflux massif des migrants sur le vieux continent.

Si l’Europe à beau jeu de claironner qu’elle ne peut abriter toute la misère du monde, il n’en reste pas moins que l’Occident en général est en partie responsable de cette misère insoutenable qui gangrène certains espaces géographiques de la planète. Sans vouloir diminuer la responsabilité des élites dirigeantes afghanes, irakiennes, syriennes ou africaines pour ne citer que celles-là dans ce qu’il est convenu d’appeler «  la migration du désespoir », force est de constater que l’Occident de par ses agissements arrogants et conquérants a fait le lit à certains égards de la déstabilisation de certaines parties du monde.

Hier au nom d’un faux universalisme ou d’un européocentrisme sans limites, le continent africain a été mis en coupe réglée sur le plan économique, ses bras valides déportés et sa culture dévastée.  De la traite négrière à la colonisation en passant par l’actuel néo-colonialisme déguisé (sur le plan économique et politique) que subit l’Afrique, il est clair que ces facteurs structurants ne sauraient être ignorés dans l’état présent de décrépitude du continent africain. Le passé pèse sur le présent même si ce présent a pour vocation à être amélioré à la lumière des erreurs antérieures. L’Europe peut se gargariser d’être opulente, mais cette richesse ne s’est pas construite en dehors du sang, de la sueur et des ressources naturelles africaines. Tant s’en faut d’ailleurs.

Comment passer sous silence encore le rôle déstabilisateur de l’Occident en Libye, en Irak et en Afghanistan. Au nom de la prétendue lutte contre le terrorisme, ces pays gros contributeurs de migrants ont été mis à feu et à sang faisant ainsi indirectement le lit de l’extrémisme et du terrorisme.

L’Afrique subit de plein fouet les effets pervers du dérèglement climatique

Comment passer sous silence également les effets ravageurs du réchauffement climatique en grande partie occasionné par la forte industrialisation de l’Occident dont l’Afrique pâtit particulièrement. Plus que jamais la dette écologique ou la justice écologique se pose avec acuité. Quand on sait que les pays développés freinent des quatre fers pour alimenter de cent milliards de dollars le fonds vert destiné à soutenir les pays pauvres dans leur effort écologique, on se surprend dans la foulée à constater un nombre croissant d’Africains candidats à l’émigration. Pour une population à majorité rurale, l’Afrique subit de plein fouet les effets pervers du dérèglement climatique.  Elle est donc est exposée à une plus grande précarisation des masses sociales et à un fort risque pour ses fils de s’expatrier.

En un mot comme en mille, l’Occident ne saurait être indéfiniment un îlot de prospérité dans un océan de misère et d’instabilité. Au-delà du devoir humanitaire, c’est un devoir existentiel pour l’Occident en général de contribuer à l’avènement d’un monde beaucoup plus juste et solidaire. Les tours de vis migratoires ou la volonté de transformer l’Europe en une forteresse n’y feront rien. C’est bien connu : «  On n’arrête pas la mer avec les bras ».


La foire ivoirienne aux charlatans politiques!

election

C’est bien connu sous les latitudes ivoiriennes, la campagne liée à la grand-messe électorale que constitue la présidentielle charrie dans son flot d’agitation inhabituelle une bonne part de surenchère et de populisme. Véritable bazar politique à l’ivoirienne, l’élection attire des candidats de tous crins ou de tous acabits. Des politiciens du dimanche (intermittents politiques) à la vieille garde politique en passant par les frondeurs, les sirènes du pouvoir alimentent les promesses électoralistes quitte à tomber dans la démagogie. « Moi président », je promets cinq millions d’emplois, « moi président » j’installerai le métro et le tramway à Abidjan, «  moi président » toutes les populations défavorisées auront droit à des logements sociaux, « moi président », la couverture sociale sera une réalité… Un air de déjà vu, un air de déjà entendu, un flux et un reflux permanent, un catalogue de belles promesses qui à l’épreuve du pouvoir se révèlent chimériques. Tout se passe comme si les différents régimes qui se succèdent depuis deux décennies en terre d’Eburnie sont frappés d’amnésie collective quant à la tenue de leurs engagements de campagne, un véritable hiatus entre les promesses et les actes qui irritent plus que jamais l’électorat ivoirien.

Une population désabusée

Hormis l’exception Felix Houphouët-Boigny (premier président ivoirien) qui a fait de la Côte d’Ivoire un Etat moderne et modèle à certains égards, les pouvoirs successifs se sont révélés décevants les uns après autres. Pire, ils ont réussi le tour de force de défigurer ce pays autrefois réputé pour être la « petite Suisse » en le plongeant dans les affres de la guerre civile. Du projet de société d’Henri Konan Bédié dénommé «  l’éléphant d’Afrique » (qui a tourné à l’enfumage) en passant par le tour de passe-passe de la « refondation » initié par Laurent Gbagbo et aujourd’hui le concept de « l’émergence » porté par Alassane Ouattara dont les rails se mettent difficilement en place, le mensonge politique semble être la chose la mieux partagée au sein du personnel politique ivoirien. Lassées par les promesses politiques recyclées ou remises chaque fois au goût du jour, certaines voix, de plus en plus, réclament le renouvellement de la classe politique. Selon toute vraisemblance, cette élection présidentielle ne devrait pas drainer les foules tant il est vrai que les promesses politiciennes ne font plus recette au sein des masses sociales aux prises avec les griffes de la précarité ambiante. L’immense espoir social suscité par l’arrivée au pouvoir en 2011 du président Ouattarra cède la place à un certain désenchantement des masses laborieuses. Les fruits n’ont pas tenu totalement la promesse des fleurs sauf que sous les latitudes ivoiriennes, en général, l’obligation de résultat ne pèse pas véritablement dans la balance de la réélection du président. Tant qu’on s’assure le soutien de l’armée, qu’on tient les cordons de la bourse et qu’on active le jeu des alliances politiques comme c’est le cas actuellement à travers le rassemblement des houphouétistes, le tour est joué.

Le président Hollande, un cas d’école pour l’élite africaine

Abstraction faite du record d’impopularité du chef de l’Etat français dans l’opinion publique française, vu d’Afrique, il personnifie une certaine décence politique. En effet, contrairement à l’élite dirigeante africaine prompte à rempiler indéfiniment au pouvoir, au mépris de leurs promesses sociales, le président Hollande lie son éventuelle candidature à la  présidentielle de 2017 à l’inversion de la courbe du chômage. Hélas, le paradoxe est bien africain, ils sont nombreux ces chefs d’Etat sous nos tropiques à avoir administré la preuve de leur incapacité notoire à améliorer les conditions existentielles de leurs peuples tout en s’accrochant contre vents et marées aux fastes du pouvoir. On ne le dira jamais assez, il faut déconstruire la vision actuelle du pouvoir d’Etat en Afrique, un pouvoir perçu généralement sous le prisme déformant de la captation des richesses ou de l’enrichissement illicite. A la veille des joutes électorales qui se tiendront dans plus d’une dizaine de pays africains cette année, on pourrait le dire sans risque de se tromper « démagogues de tous bords, prêts, à vos marques, partez ».


Idriss Déby : « Après moi le déluge ! »

idriss_deby

Malheureusement, ils sont encore nombreux ces chefs d’Etat africains que dis- je ces monarques républicains à nourrir à tort l’idée selon laquelle ils sont porteurs d’un destin messianique ou providentiel. Assis sur la montagne de leurs prétentions nombrilistes, ils agitent à tout va le chiffon rouge du chaos social après leur départ du pouvoir. Tout en perdant de vue que les cimetières ou les poubelles de l’histoire regorgent suffisamment de ces personnages politiques auto-proclamés hier « grands timoniers ou guides suprêmes », dont l’absence aujourd’hui n’affecte pas la marche de leurs pays respectifs. Et c’est peu que de le dire.  A l’instar de ses pairs de l’Afrique centrale (tous portés par cette volonté chevillée au corps de s’éterniser au pouvoir) le président tchadien Idriss Déby lors d’un récent échange avec la presse n’a pas manqué de se fendre de ce propos aussi surréaliste que lamentable « je ne reste pas au pouvoir pour mon bon vouloir, si je sais que quelqu’un d’autre peut assurer la stabilité de ce pays, je céderais la place » . Comme quoi aucun citoyen tchadien autre qu’Idriss Déby n’aurait l’intelligence et la poigne nécessaires pour conduire le pays vers des rivages heureux. Rien moins que l’expression d’un ego surdimensionné nourri par une certaine passivité de la communauté internationale.

Une communauté internationale attentiste, voire complice

Il faut bien se l’avouer, le président tchadien a réussi le tour de force de se refaire une virginité politique à l’international à la faveur de la lutte contre le terrorisme et de la crise centrafricaine. Drapé désormais dans ses habits d’allié incontournable de l’Occident à travers l’opération française Barkhane et les faits d’armes de son armée notamment au Nord-Mali, Déby semble jouir d’un certain blanc-seing de la communauté internationale. Les dérives du régime Déby (elles sont encore légion) et son rappel à l’ordre par les démocraties occidentales semblent bien loin aujourd’hui. Un silence assourdissant qui tranche étrangement d’avec l’activisme dirigé contre Joseph Désiré Kabila porté lui aussi par le désir de jouer les prolongations au terme de son mandat. S’il est vrai que l’environnement international dominé aujourd’hui par des considérations sécuritaires joue en faveur du maintien au pouvoir de l’actuel président, il n’en reste pas moins que des facteurs endogènes y contribuent, dont notamment la désunion de l’opposition.

Une opposition aussi divisée qu’invisible

La balkanisation de l’opposition est incontestablement un obstacle majeur qui retarde l’alternance politique dans maints pays africains. Le Tchad n’échappe pas à cette tendance lourde. Vautrés dans des querelles intestines les différents partis politiques roulent uniquement pour leur petite boutique ou pour leur petite chapelle faisant ainsi le lit  du maintien au pouvoir de Déby. Comment peut- on espérer bouter un régime quasi trentenaire lors d’un scrutin uninominal à un seul tour sans vouloir coaliser l’ensemble des forces de l’opposition ? A l’évidence, chaque acteur de l’opposition nourrit obstinément l’idée d’un destin national sauf que la conquête du pouvoir d’Etat exige de vastes alliances surtout quand le régime a pour lui l’appareil de l’Etat et les cordons de la bourse. A moins que le vent de la révolution populaire ne souffle sous les latitudes tchadiennes, tout porte à croire que la longévité d’Idriss Déby au pouvoir a encore de beaux jours.


Présidentielle ivoirienne; l’heure est à la transhumance

L’ élection présidentielle en terre d’Eburnie se rapproche à très grands pas (octobre 2015) avec son lot de grandes manœuvres, de débauchages et de transhumances politiques. Comme à l’accoutumée des grandes batailles électorales, le marigot politique ivoirien est en pleine effervescence, en pleine recomposition sur fond de calculs électoralistes et surtout de marchandages politiques que dis-je de nomadisme politique.nommadisme_fologo

Aussi inconstants que des girouettes; une partie du personnel politique a fait sien cet adage populaire « je sèche mon habit là ou brille le soleil » comprenez : je me range du côté du pouvoir pour bien entendu bénéficier de ses délices. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, les ennemis jugés irréductibles d’hier deviennent de fervents alliés. Les alliances se font et se défont au gré des promesses, les alliances contre nature n’existent plus. Tout se passe comme si les lignes politiques s’étaient évaporées. Seule la politique du ventre semble présider tous les positionnements sur l’échiquier politique ivoirien. Une situation tout à l’avantage du pouvoir. Un pouvoir, qui conscient de la forte sensibilité des hommes aux promotions ministérielles ou aux espèces sonnantes et trébuchantes n’hésite pas à susciter de véritables dissidences au sein des partis d’opposition. « Diviser pour mieux régner », une pratique politique aussi vieille que le monde et plus que jamais usitée par l’équipe dirigeante tant et si bien que tous les partis d’opposition ont actuellement en leur sein des courants « pro-régime ». Loin d’être l’apanage de la Côte d’Ivoire, la versalité politique est un marqueur important des mœurs politiques en Afrique.

Une transhumance aux relents de mort politique

La parade est toute trouvée pour nombre d’acteurs politiques africains « il faut savoir partir » répètent-ils en chœur, ils sont bien nombreux à abandonner leurs camarades de lutte ou à quitter le navire en pleine tempête pour des rivages politiques beaucoup plus confortables. De l’opposant togolais Gilchrist Olympio réduit aujourd’hui au silence par certaines compromissions avec le pouvoir en passant par le Camerounais Bakary Tchiroma  reconverti en fou du roi) ou le célébrissime ivoirien Laurent Dona Fologo (passé maître dans l’art de manger a tous les râteliers), le recyclage politique a le vent en poupe sous les latitudes africaines. Si le ridicule pouvait tuer en politique, pour sûr, ils seraient nombreux ces hommes a passer de vie à trépas tant par l’aspect spectaculaire de leur revirement que par le manque de conviction qui les caractérise. Toute honte bue, ils débarquent avec armes et bagages dans leur nouvelle chapelle politique tout en perdant de vue que le nomadisme au-delà des apparences rime très souvent avec la mort politique.

Au-delà des avantages immédiats liés à la reconversion politique, tout porte à croire que le destin des transhumants est scellé sur le long terme. Perçus comme des judas par leurs ex- camarades et objets de suspicion dans leur nouvelle chapelle, ils sont réduits désormais à faire de la figuration. Peut-on raisonnablement se fier à un personnage politique aussi versatile qu’amoral capable de tourner casaque à la moindre bourrasque ? Assurément non !

 


Ces frondeurs à la sauce ivoirienne !

frondeur_ivoirienA l’instar du pouvoir socialiste français, le paysage politique ivoirien enregistre la présence de frondeurs dans les rangs de la majorité présidentielle. Un aréopage de personnalités déchues et déçues qui portent la contradiction et mènent la rébellion tous azimuts face à ceux qu’ils considèrent comme les dérives de l’actuel régime ivoirien. Anticonformistes, empêcheurs de tourner en rond, adeptes de la provocation et de la liberté de ton, ils ne manquent aucune occasion pour flageller les tenants du pouvoir ivoirien non sans faire le jeu de l’opposition classique qui en sort renforcée. Un fossé d’incompréhensions qui ne cessent de se creuser entre les frondeurs et l’élite dirigeante actuelle tant et si bien que la rupture semble être consommée.

Un divorce consommé

Loin de vouloir constituer un courant réformiste ou une force de propositions au sein de la mouvance présidentielle à l’instar des frondeurs du PS français, les frondeurs ivoiriens semblent avoir franchir le Rubicon en intégrant récemment l’opposition à travers un vaste rassemblement dénommé Coalition nationale pour le changement. Une coalition aussi hétéroclite que déterminée dont le maître mot est l’alternance du pouvoir. Drapés désormais dans leur habit d’opposant, ils passent à l’offensive supérieure en faisant feu de tout bois, un feu roulant de critiques acerbes dont le régime se serait bien passé par ces temps de pré-campagne électorale et de contestation sociale croissante. En effet, les ex-frondeurs aujourd’hui reconvertis en opposants encartés surfent sur un certain malaise social. Au-delà de la bonne santé macro-économique du pays (un taux de croissance avoisinant les deux chiffres), la réalité sociale ivoirienne est tout autre. La cherté de la vie, la précarité et la paupérisation croissantes alimentent à bon droit une certaine stigmatisation des pouvoirs publics ivoiriens sous la boutade populaire suivante « on ne mange pas la croissance ». S’il est vrai que les critiques formulées par les ex-frondeurs ne sont pas dénuées de fondements, il n’en reste pas moins qu’elles ont été nourries essentiellement par un désaccord lié à la répartition des avantages du pouvoir.

Une rupture sur fond de mésentente dans le partage des délices du pouvoir

Contrairement aux députés frondeurs du PS (portés plus par des divergences idéologiques en termes de ligne gouvernementale qu’ils jugent libérale et non socialiste, la rupture des frondeurs ivoiriens d’avec l’actuel régime tient plus a des ressentiments liés a la clé de répartition du pouvoir. Il est bien connu qu’en Afrique, le pouvoir est assimilé à tort à une immense mangeoire ou l’on se sert au lieu de servir le peuple et la fronde dans les rangs de l’actuelle mouvance présidentielle en est la preuve vivante. En effet, certains cadres du parti du PDCI associés a la conquête du pouvoir d’Etat en 2012 sous la forme du rassemblement des houphouétistes (RHDP) estiment avoir été oubliés dans le cadre de la nomination aux postes a responsabilité. Se considérant comme des faiseurs de roi injustement rétribués, ce en dépit du poste de premier ministre et de certains ministères régaliens tombés dans la besace de leur chapelle politique, ils dénoncent vent debout le soutien de leur parti au président Ouattara lors des prochaines élections. Les cadors comme l’ex-premier ministre Konan Banny, l’impétueux ex-président des jeunes Konan Bertin ou encore l’ex-ministre des Affaires étrangères Amara Essy constituent le visage de cette nouvelle vague de frondeurs à l’ivoirienne passés désormais à l’opposition.

SI l’avènement des courants réformistes voire « sécessionnistes » est à saluer dans nos majorités présidentielles très souvent marquées par le règne de la pensée unique ; ce qui l’est moins par contre, c’est les motivations carriéristes ou matérialistes qui les nourrissent. Comme quoi en Afrique, généralement, l’engagement politique relève plus de la politique du ventre que de la politique au service de la polis (la cité).


Obama en Afrique : et après !

obama_deception2Sans vouloir verser dans un anti-américanisme de bas étage ou dans un optimisme béat qui a accompagné l’arrivée au pouvoir du 44e locataire du bureau ovale en l’occurrence Barack Hussein Obama, force est de reconnaître qu’au sortir de son deuxième mandat , le bilan de la politique africaine du 1er président afro-américain est bien maigre, voire famélique. Et pourtant que d’espoirs suscités, que d’enthousiasmes soulevés en 2008 à l’échelle de tout le continent africain lors de sa consécration sur le toit du monde comme le nouveau président des Etats-Unis d’Amérique. La rue africaine s’était mise à rêver en prêtant des ambitions africanistes à ce descendant d’immigré kényan, véritable incarnation du rêve américain et pourquoi pas du rêve de renaissance africaine ?

Hélas, le réveil est douloureux quasiment huit ans après et on serait tenté de dire tout ça pour ça. Aujourd’hui de retour sur la terre de ses ancêtres, tout porte à croire que sa présente tournée ne changera pas grand-chose à cet état de fait. Du reste, c’est un secret de polichinelle, l’Afrique n’a jamais constitué véritablement un enjeu stratégique et économique pour le pays de l’oncle Sam comparé à l’activisme de la Chine, de l’Europe, du Brésil ou de l’Inde. On ne le dira jamais assez, le salut de l’Afrique ne viendra que de l’Afrique notamment à travers une reconversion totale des mentalités dans le sens de l’affranchissement d’une vision exogène du développement.

–Rompre avec la mentalité d’éternels assistés

C’est une vérité banale du jeu des relations internationales, l’état d’indigence de certaines parties du monde profite à la consolidation de l’assise des nations les plus développées. Laquelle assise s’est faite en partie sur le dos du continent noir. Pour rien au monde, ces pays nantis ne voudraient changer l’ordre économique actuel du monde qui confine l’Afrique dans le rôle de simple pourvoyeuse de matières premières et de déversoir des biens manufacturiers occidentaux à forte valeur ajoutée. Alors, au-delà des déclarations de bonnes intentions relatives à l’aide publique au développement qui d’ailleurs depuis des décennies n’a pas réussi à tirer l’Afrique de son marasme, il faut se raviser et se réconcilier avec une vision endogène du développement, autocentrée, autopropulsée. Le souverain chérifien semble l’avoir bien intégré et passe pour être désormais le nouveau chantre de la coopération intra-africaine.

–L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique

En homme revenu du mirage occidental, le roi Mohammed VI du Maroc a compris très vite que l’Afrique est une terre extraordinaire d’opportunités, plus besoin d’aller chercher obligatoirement des relais de croissance sur le vieux continent d’ailleurs aux prises avec les rigueurs de l’austérité, le développement du partenariat intra-africain constitue plus que jamais un levier important de la croissance marocaine. Le volume des investissements du royaume chérifien en Afrique et son expertise avérée dans différents secteurs d’activités (l’hôtellerie, la banque, les télécommunications, le bâtiment, l’offre universitaire et que sais-je encore) font de lui incontestablement un hub continental. Vivement que l’élite dirigeante africaine s’en inspire et que les masses populaires fassent définitivement le deuil de solutions extérieures à leurs difficultés.


Églises de Réveil en Côte d’Ivoire : Au nom de Dieu… et du fric !

La passion pour Dieu n'a pas de prix
La passion pour Dieu n’a pas de prix

Le vieux continent est en proie à une crise de foi notamment à travers une déchristianisation très marquée (un net recul de la chrétienté) ; l’Afrique, a contrario, semble connaitre un véritable âge d’or religieux, du moins pour ce qui est des religions célestes. Tant et si bien que, selon le mot du Pape François, « elle est le poumon spirituel du monde ». A côté de la généralisation de la pauvreté au sein des masses populaires, la foi religieuse est l’une des choses les plus partagées à l’échelle du continent africain. L’Église traditionnelle (catholique et protestante) réputée pour sa grande solennité, son orthodoxie et sa liturgie très strictes se voit de plus en plus damée le pion par les Églises dites de réveil beaucoup plus « transigeantes » et festives. Sans coup férir, elles fleurissent a tous les coins de rue, investissent tous les espaces précédemment dédiés a la culture (salles de cinéma, de spectacle), hangars désaffectés, domiciles privés, stades et écoles à l’occasion, bref un maillage géographique important qui en dit long sur le prosélytisme mis en œuvre par ces activistes religieux d’un nouveau genre.

Bien entendu, ce foisonnement, cette explosion de lieux de cultes informels, car n’ayant pas d’agréments du ministère de l’intérieur pour la quasi-totalité d’entre eux, inquiètent et interpellent. Au delà des déclarations de bonnes intentions, des proclamations publiques d’évangélisation et de conversion des âmes, l’appât du gain et la course aux richesses matérielles contribuent très largement à l’expansion de ces églises de réveil. A ce titre, la presse n’en finit plus de se faire l’écho des déboires ou des arnaques financières dont bien des fidèles sont victimes. Autant la pluie se prépare par l’amoncellement des nuages, autant les portes de la richesse dans ce milieu éminemment concurrentiel s’ouvrent par une très bonne réputation.

Une course à la réputation

A l’instar des shows américains , les Églises de réveil les plus nanties ne lésinent pas sur les moyens pour se singulariser et attirer in fine des personnalités de premier plan : battage médiatique, écrans géants, service d’ordre, orchestre , chorale, salle climatisée , orateurs de talent, en somme de véritables opérations de communications rondement menées avec à la clé « des séances de guérisons et de miracles » qui subjuguent les fidèles et les prédisposent, surtout les plus fortunés, a délier les cordons de la bourse. L’on a encore en mémoire les retentissantes révélations dans la presse ivoirienne d’un ex-initiateur de ces Églises dites de réveil aujourd’hui « repenti » du nom de Béhanzin. Lesquelles révélations ont mis au grand jour la conclusion de pactes de certains gourous religieux avec des forces obscures pour opérer « des prodiges » « lors de ces fameuses séances « de guérisons et de miracles ». Il est établi que celles-ci (avérées ou truquées selon les avis) ont un formidable effet d’entrainement sur les masses sociales participant ainsi de facto à la bonne renommée des Églises de réveil et donc à leur enrichissement.
Une course à l’enrichissement

La frontière entre la supercherie et les pratiques qui ont cours dans ces Églises est si mince qu’on se demande ou sont passés les enseignements de l’Église primitive repris aujourd’hui à juste titre par le Pape François au sens d’une vie de dépouillement, de sobriété et de renoncement. Tout porte à croire que le maitre-mot semble être la recherche des biens matériels tant il est vrai que « ces hommes de Dieu » mènent grand train, ils roulent carrosse non sans créer une véritable disparité matérielle d’avec la majorité de leurs ouailles mis à rude contribution financière. La formule est du reste bien connue sous les latitudes ivoiriennes, par ces temps de difficultés économiques un des filons les plus sûrs pour s’en sortir est de créer tout bonnement son Église fut- ce dans un domicile privé, la crédulité des masses populaires aidant plus un certain talent d’orateur et l’affaire est pliée. Auto-affublés des titres ronronnants de « prophètes », de « pasteurs », « de révérends », « de serviteurs de Dieu », ils monnayent au prix fort leurs prières d’intercession, leurs bénédictions en somme leurs prestations spirituelles. L’opinion publique leur prête cette formule « petit argent, petite bénédiction » comprenez simplement que la modicité du don ou de l’aumône entraine aussi une petite prière.
En tout état de cause, sans vouloir jeter l’opprobre sur l’ensemble des Églises dites de réveil, il faut assainir ce milieu, en revenant à un véritable réarmement spirituel car comme l’énonce avec raison ce verset biblique « on ne peut servir deux maitres à la fois » c’est-a-dire DIEU et la poursuite effrénée du monde matériel.


De la FIFA aux républiques Africaines

Le président démissionnaire de la FIFA: Sepp Blatter.
Le président démissionnaire de la FIFA: Sepp Blatter.

Avec la FIFA, beaucoup de républiques africaines  découvrent ou redécouvrent une institution sœur voire jumelle…

La dernière tempête médiatico-financière qui agite avec rage la puissante FIFA doit rappeler des souvenirs à certains dirigeants africains… Au jeu des comparaisons, tout porte à croire que la puissante instance du football mondial et la majorité des États africains se soient passés le mot pour cultiver ensemble les mêmes pratiques , adopter les mêmes mœurs de gestion et in fine être abonnés aux scandales à répétitions.

Des parallèles troublants…

S’ils se trouvent sous des latitudes différentes, la FIFA et les États africains en général n’en partagent pas moins une corruption endémique. Les dernières révélations du FBI relativement à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le FIFAGATE sont troublantes à ce titre.

De l’achat des voix lors de l’attribution des coupes du monde à l’Afrique du sud, à la Russie et au Qatar en passant par les pots de vins que nombre de membres du comité exécutif ont perçu pendant des décennies, l’élite dirigeante de la FIFA semble avoir institué comme mode de gestion un véritable système de corruption et de concussion .

Que dire de la majorité des États africains ? Rien à envier à la FIFA, tous étant pratiquement logés à la même enseigne. La gouvernance en Afrique se conjugue très souvent avec gabegie, malversations, clientélisme et opacité. Il est bien connu sur le continent africain que les recettes liées aux nombreuses ressources géologiques ne sont pas toutes inscrites au titre du budget, une bonne part non budgétisée prenne le chemin des paradis fiscaux et autres comptes bancaires à l’étranger.

Ces pays immensément riches aux populations immensément pauvres sont victimes surtout de la mauvaise gouvernance ou de la non gouvernance économique. Prises au piège d’une oligarchie financière, la FIFA et nombre de pays africains (surtout ceux de l’Afrique centrale) se singularisent aussi par le refus de l’alternance.

Le refus de l’alternance

Sepp Blatter vient d’entamer son cinquième mandat ? Les autres – Mugabe, Paul Biya, Obiang, Sassou n’Guesso… – en sont à leur septième, huitième, neuvième… et tous ont en commun d’être des personnes du troisième, voire du quatrième, véritables réfractaires au changement générationnel. Ils semblent épouser en chœur l’idée selon laquelle « arrivé au pouvoir, j’y suis, j’y reste ». Il y a lieu de préciser que la démission forcée du président Blatter (très probablement visé incessamment par une information judiciaire) n’enlève en rien son amour dévorant du pouvoir.

Vivement que la FIFA et bien d’Etats africains fassent leur mue, qu’ils se réconcilient avec l’orthodoxie financière et l’alternance générationnelle pour le plus grand bien de la planète foot et des peuples africains en général.


Du patriotisme économique en France au bradage économique en Afrique

Arnaud Montebourg à Emmanuel Macron le patriotisme économique reste de vigueur en France.
Arnaud Montebourg à Emmanuel Macron le patriotisme économique reste de vigueur en France.

Nul besoin de faire de l’intelligence économique ou de sortir de l’école de guerre économique de Paris pour réaliser que les entreprises nationales opérant dans des secteurs dits névralgiques ou les entreprises à forte valeur ajoutée constituent des leviers de la souveraineté d’un État. C’est une question de bon sens et une exigence dans l’air du temps. Comment peut-il en être autrement dans cette mondialisation hautement concurrentielle que le politologue camerounais Jean de Dieu Ayissie qualifie avec raison de « mondialisation des prédations » ; sauf qu’en Afrique, on voit les choses sous le prisme déformant de la privatisation à tout va que dis-je du bradage ou du pillage de nos sociétés nationales et partant de nos intérêts économiques.
-Une véritable OPA sur les ressources économiques africaines !

bolloré: l’orgueil de la France.
Bolloré: l’orgueil de la France.

Là ou la France et au-delà l’Occident mettent un point d’honneur à préserver leurs fleurons économiques pour éviter qu’ils ne tombent sous pavillon étranger ; l’Afrique a contrario constitue le terrain de chasse favori des transnationales ou des multinationales. Une privatisation à marche forcée portée par les institutions de Brettons Wood qui a vu des pans entiers de nos économies englouties par des firmes étrangères. A L’évidence, ce libéralisme débridé fait le jeu des puissances étrangères comme la Chine dont rien n’échappe à l’appétit carnassier. Terres arables, ressources du sous-sol, secteurs névralgiques comme l’eau, l’électricité, les télécommunications, les ports, aéroports… En somme, tout y passe. On ne saurait passer également sous silence la position économique dominante des ex-puissances coloniales européennes en Afrique. Elles considèrent à tort ce continent comme leur pré carré ou leur arrière-cour. A ce titre, le cas de la Côte d’Ivoire est assez édifiant et largement représentatif des pratiques économiques des anciennes métropoles. En effet, de Bouygues à France télécoms en passant par Bolloré, BNP-PARIBAS, la Société générale et autres myriades entreprises, les sociétés françaises semblent faire la pluie et le beau temps en terre d’Eburnie. Elles sont en situation de quasi-monopole et c’est peu que de le dire. Ce monopole de fait agace plus d’un, notamment l’actuel ministre du Commerce Jean-Louis Billon qui a publiquement critiqué la seconde concession du terminal à conteneurs du port autonome d’Abidjan au groupe français Bolloré (déjà détenteur de la première concession). S’il est clair que les multinationales se frottent les mains financièrement parlant en concluant des contrats de dupes et empochant au passage des superprofits ; il est tout aussi clair que les pouvoirs publics africains sont complices de ce bradage économique.
-La complicité de nos pouvoirs publics
Il est sans conteste que les chefs d’État africains et par extension les hauts dignitaires des États africains font le lit de cette politique de captation ou de pillage systématique de nos ressources économiques. Dans cet ordre d’idée, on a en vue la relation incestueuse entre la France et certains chefs d’Etat africains connue sous le vocable pudique de Françafrique, un véritable réseau de collusions financière, économique et politique au service principalement des intérêts français.
Les accords de partenariat économique (APE) en passe d’être signés entre l’Europe et les chefs d’État  africains pourraient en outre aggraver cet état de prédation économique. En fait, un accord de libre- échange, une déréglementation douanière exposerait le continent à une invasion de son marché, elle signifierait l’effondrement de son tissu industriel embryonnaire. Quand on sait le poids financier et la force industrielle des mastodontes ou transnationales européennes et le manque de compétitivité de nos produits à l’international, on n’est pas loin de penser que les APE sont en défaveur du continent africain.
En définitive, à défaut d’une renationalisation de nos entreprises stratégiques, il faut que nos Etats en deviennent des actionnaires majoritaires sans complexe aucun. Si le patriotisme économique est de rigueur en France et sous d’autres latitudes, pourquoi l’Afrique se fera-t-elle hara-kiri en vendangeant ses ressources économiques ? Il y va de notre survie et de notre souveraineté.


L’envoi de 2 100 soldats sénégalais en Arabie saoudite : un parfum de pétrodollars

En dépit des dénégations officielles, la polémique ne semble pas retomber concernant la décision du président Macky Sall de procéder à l’envoi de 2 1OO soldats sénégalais en Arabie saoudite dans le cadre de la guerre que mène ce pays contre les rebelles « houthis »

le président Sénégalais Macky Sall. wikimedia.org
Le président Sénégalais Macky Sall. Wikimedia.org

Une controverse qui enfle à juste titre et qui interroge sur les véritables motivations qui ont présidé à cette mesure assez inhabituelle. En effet, le nombre important de soldats sénégalais en passe d’être engagés dans ce conflit et l’éloignement du théâtre des opérations ( le Sénégal étant à des années-lumière ) nourrissent des doutes raisonnables sur le caractère amical et religieux (la participation à la défense des lieux saints) que défendent les autorités sénégalaises. Sans nier que le Sénégal a une  forte tradition de pays contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Tout porte à croire que pour ce coup là, le pays de la Téranga  va monnayer au prix fort sa participation massive à la coalition militaire contre les « houthis ». Sans parler avec l’assurance d’un prophète, néanmoins se dégage un parfum de pétrodollars de cet envoi extraordinaire de troupes à l’extérieur. Quand on sait que ce conflit à fort relent religieux (sunnites contre chiites) est un conflit lointain, qu’il n’est pas sien et que pour l’heure aucun pays de la coalition n’a décidé de l’envoi de troupes au sol, on est assez intrigué par l’activisme militaire sénégalais. Mais au fond, personne n’est dupe, un accroissement de l’aide économique apportée par Riyad a très certainement pesé dans la balance.

Un paradoxe humanitaire.

les troupe sénégalaises de maintien de la paix.
Les troupe sénégalaises de maintien de la paix.

Sinon, les foyers de tensions ne manquent pas à l’échelle de l’Afrique (l’est de la RDC, le Nord-Mali, le Sud-Soudan, la RCA…), le Sénégal aurait pu y déployer ses troupes ou y renforcer sa présence. Le dicton est connu, on balaie devant sa porte avant d’aller voir ailleurs. Cette attitude de l’exécutif sénégalais pourrait être assimilé à bien des égards à du mercenariat d’État déguisé qui exposerait ses soldats à des risques certains lors d’une confrontation ouverte avec les miliciens houthis. Malheureusement, une partie de l’élite dirigeante africaine continue d’étonner et d’agacer par certaines prises de décisions qui déshonorent tout le continent. Faut-il le rappeler, le continent africain ne saurait s’enfermer indéfiniment dans des rapports de vassalité avec les autres parties du monde fut-ce des puissances financières, car la dignité ne saurait s’accommoder de compromissions financières.