LATITUDES IVOIRIENNES : QUAND L’HYDRE DJIHADISTE SE RAPPROCHE …

16 juin 2020

LATITUDES IVOIRIENNES : QUAND L’HYDRE DJIHADISTE SE RAPPROCHE …

La récente attaque terroriste du poste militaire de Kafolo à l’extrême nord de la Côte-D’ivoire, frontalier du Burkina-Faso, sonne comme un second coup de semonce aux autorités ivoiriennes de la part des mouvances djihadistes du sahel, après celle de Grand-Bassam en 2016.  Partagées entre consternation et appréhension, les populations s’interrogent avec raison sur une possible installation des groupes terroristes dans le septentrion  ivoirien.

En dépit d’absence de revendication ‘’officielle’’ de cette attaque odieuse, tout porte à croire qu’elle porte la signature des mouvances djihadistes qui essaiment dans le sahel depuis quelques années. De par la violence de l’attaque dont le bilan s’élève à 12 militaires ivoiriens tués, de par la nature de la cible et le mode opératoire des assaillants, il n’y a guère de doutes sur le caractère terroriste de cette attaque. D’ailleurs, les experts sécuritaires pointent du doigt la responsabilité du groupe djihadiste du GSMI (groupe de soutien aux musulmans et à l’Islam) d’Amadou Koufar, qui aurait pied dans la zone frontalière entre la Côte-D’ivoire et le Burkina-Faso. Plus que jamais, l’attaque du poste militaire de Kafolo jette une lumière crue sur la capacité d’extension des groupes djiihadistes au-delà de la bande sahélo-sahélienne, leur volonté manifeste de gagner le littoral. C’est bien connu que les groupes terroristes prospèrent sur un fond  de trafics, d’activités criminelles en tout genre -traite humaine, narcotrafic, etc.-. En cela, accéder aux pays du golfe de guinée, en particulier la Côte-D’ivoire, qui fait figure de locomotive de la sous-région, leur permettrait une externalisation sans précédent, avec à la clé un accès à la mer. Il y a fort à penser que cette seconde attaque terroriste en terre ivoirienne en appellera d’autres, à moins que qu’on en tire toutes les leçons, à l’effet de poser le bon diagnostic.

-DE LA NÉCESSITÉ D’UN MAILLAGE SÉCURITAIRE PLUS IMPORTANT DU TERRITOIRE

C’est une vérité qui s’impose avec la force de l’évidence, les groupes djihadistes prospèrent là ou l’Etat est failli, là où on note la déshérence de l’Etat. Il importe alors que l’Etat ivoirien renforce sa présence, surtout sa présence militaire dans les zones frontalières avec le Mali, le Burkina-Faso et le Mali. Cela permettrait d’éviter de faire de ces zones frontalières une base de repli ou un sanctuaire pour les groupes djihadistes, d’autant plus qu’elles sont boisées, elles peuvent facilement servir de cache et de repaire à ces nébuleuses terroristes. L’attaque du poste militaire de Kafolo renseigne à l’envi sur les dysfonctionnements du maillage sécuritaire dans cette zone, frontalière au Burkina-Faso, mais aussi des lacunes du renseignement militaire ivoirien. Le pouvoir ivoirien gagnerait mieux à développer le renseignement dans ces zones frontalières qu’à vouloir pister systématiquement ses opposants politiques. L’envergure de l’attaque dénote que personne n’a vu venir le coup, aussi bien les militaires présents au poste-frontière que les agents de renseignements commis à l’anticipation de ce genre d’entreprise terroriste. Le maillage sécuritaire commande également une bonne collaboration voire une complicité entre les forces de sécurité et la population car sans communion entre le peuple et l’armée, il n’y a pas de renseignements et donc pas d’anticipation. La population constitue en effet le premier dispositif de veille à même de dénoncer les infiltrations et les pratiques suspectes. Cela dit,  même si la Côte-D’ivoire relevait le pari du maillage sécuritaire et du renseignement à l’échelle de son territoire, elle doit jouer collectif avec les pays limitrophes pour espérer contenir l’hydre djihadiste.

-DE LA NÉCESSITÉ D’UNE COLLABORATION ÉTROITE ENTRE PAYS FRONTALIERS

Il faut aujourd’hui décloisonner la riposte à apporter au terrorisme. En tant que phénomène transfrontalier, la solution ne peut plus se confiner dans les seules limites territoriales, elle doit revêtir un caractère régional et international. En cela, la création du G5 sahel – le regroupement militaire du Mali, du Burkina-Faso, du Niger, du Tchad et de la Mauritanie- va dans la bonne direction, mais, elle n’est pas suffisante. Il faut élargir ce front militaire à tous les pays d’Afrique de l’ouest y compris le Nigéria. La mutualisation des moyens humains et matériels assortie du droit de poursuite seront décisifs pour venir à bout de la gangrène terroriste. Cela se fera non sans également la coopération des grandes puissances en matière de renseignements, de formation et de financements. Le maître- mot  de cette bataille demeure alors la collégialité. C’est bien connu, seul, on va seul, ensemble, on va plus loin.

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