Rentrée scolaire ivoirienne : sous le sceau de la double appréhension

Article : Rentrée scolaire ivoirienne : sous le sceau de la double appréhension
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15 septembre 2020

Rentrée scolaire ivoirienne : sous le sceau de la double appréhension

La présente rentrée scolaire annoncée pour la mi- septembre 2020  en terre ivoirienne, sonne comme un moment particulièrement anxiogène pour les masses sociales. Aux motifs de stress traditionnel liés à cette conjoncture – achat de tenues et de fournitures scolaires, frais d’écolage…-, se greffe cette année, la hantise des élections présidentielles, qui se tiennent pratiquement dans la même foulée que la rentrée scolaire.

Juste un intervalle de trois semaines entre le début de la rentrée – le 14 septembre 2020 – et l’entame de la campagne électorale liée à la présidentielle –le 5 octobre 2020 – . Autant le dire, une rentrée scolaire, qui s’annonce comme formelle quand on sait le climat délétère sur fond de violence qui précède et accompagne l’échéance présidentielle sous nos latitudes ivoiriennes.

  • UNE RENTRÉE SCOLAIRE MISE A MAL PAR LA TENUE DE L’ÉCHÉANCE PRÉSIDENTIELLE

Les deux dernières décennies en Côte-d’Ivoire ont fait la preuve que l’élection présidentielle est loin d’être seulement un affrontement idéologique entre les chapelles politiques. Elle se mue très souvent en moment de forte instabilité, avec son lot de casses, de blessés et de morts. On a encore en mémoire, la tristement célèbre élection présidentielle de 2010, dont les victimes ont culminé jusqu’à trois mille morts. Fort de ce précédent tragique, l’heure n’est pas du tout à la sérénité sous nos latitudes ivoiriennes, d’autant plus que la seule annonce de la candidature du président sortant Alassane Ouattara à un troisième mandat ou au premier mandat de la troisième République selon les camps en présence, a entraîné des remous sociaux, occasionnant une vingtaine de morts. C’est peu que de le dire, le marigot politique ivoirien est en pleine ébullition, il tourne à la crispation, à une forte cristallisation des tensions sociales, soumis qu’il est, au tumulte et à l’agitation des manœuvres préélectorales.

L’éclatement de l’alliance des houphouétistes, qui avait permis l’accession de l’actuel président Alassane Ouattara à la magistrature suprême en 2011, et assurer sa réélection en 2015, ouvre la porte à une véritable  reconfiguration de l’échiquier politique ivoirien. Quand les alliés d’hier- Ouattara, Bédié, Soro- se transforment en véritables adversaires voire en ennemis politiques déclarés, toutes les digues de la convenance, de l’élégance politique éclatent et laissent place à des poussées de violence. Il est évident alors que toute la communauté éducative – élèves, parents d’élèves, personnel enseignant, personnel d’encadrement-  et par extension tout le corps social ivoirien, restent suspendus et préoccupés au plus haut point par cette échéance présidentielle. Tout se passe comme si avant la tenue de cette dernière, le temps semble s’arrêter, et avec la rentrée scolaire. Malheureusement, la rentrée scolaire s’annonce également sur fond de crise sanitaire de la covid-19, elle n’est pas sans soulever l’angoisse d’un rebond épidémiologique  et partant la question de la sécurité sanitaire des apprenants et de leurs formateurs.

  • LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19 : UNE ANGOISSE SUPPLEMENTAIRE

Si la courbe épidémiologique liée à la covid-19 est officiellement en baisse sous nos tropiques ivoiriens, l’angoisse d’une résurgence épidémiologique suite à la reprise des cours, est loin d’être retombée. En effet, l’espace scolaire apparaît potentiellement comme un «  formidable » foyer de contamination car elle est un lieu de fortes interactions. Pas sûr que, l’observance des mesures barrières soit de rigueur comme le recommandent les experts de santé. En effet, la massification des effectifs scolaire n’est pas faite pour arranger les choses. C’est d’une banalité déconcertante sous les tropiques ivoiriens, les effectifs par salle sont généralement pléthoriques, ils culminent jusqu’à 70 voire plus dans certains établissements publics. La distanciation sociale d’un mètre entre apprenants, qui exige un enfant par table banc est donc impossible, à moins de dédoubler les classes et les personnels enseignants.

Ce qui est simplement inenvisageable en l’état, au vu des ressources humaines et infrastructurelles limitées dont dispose le ministère de l’éducation nationale. Pas besoin d’être épidémiologiste pour réaliser que cette forte promiscuité liée à l’environnement scolaire favoriserait à coup sûr un facteur aggravant dans la chaîne de contamination de la covid-19. Néanmoins, le ministère de tutelle c’est-à-dire celui de l’éducation nationale se veut rassurant, il joue la carte de l’apaisement auprès des masses sociales en annonçant la création de cellules covid dans chaque établissement à l’effet d’amplifier la sensibilisation auprès des apprenants et la mise à disposition de dispositifs de lavage de mains. Pas sûr que ces annonces soient de nature à apaiser dans un contexte de forte décrédibilisation de la parole officielle et de faiblesse de nos structures sanitaires à contenir un rebond épidémiologique.  

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