OU VA LE MALI ?

4 août 2020

OU VA LE MALI ?

La question est loin d’être superflue ou anecdotique, tant il est vrai que ce pays connaît actuellement une véritable crise existentielle, qui menace jusqu’à sa survie.

A la profonde crise sécuritaire sur fond d’attaques djihadistes, se greffe aujourd’hui  une crise politique sans  précédent, qui si l’on n’y prend garde, risque d’emporter définitivement le Mali dans les abîmes du chaos social. Ce scénario catastrophe se nourrit non seulement de la situation sécuritaire délétère qui prévaut dans une bonne partie du pays, mais aussi et surtout de l’intransigeance, que dis-je de l’aveuglement de l’opposition politique,  à obtenir le départ de l’actuel président Ibrahim Boubacar Kéita. Tout porte à croire que pour l’opposition politique malienne et l’Imam Dicko – désormais activiste politique, l’éviction de l’actuel tenant du pouvoir entraînera de facto la disparition de tous les maux qui accablent la société malienne. Oh que non ! Le mal est plus profond ! Au-delà des critiques acerbes qu’on pourrait émettre sur la gouvernance de l’actuel locataire du palais de Kouliba (Ibrahim Boubacar Kéita), l’expérience politique a montré qu’au Mali, le changement de chef d’Etat, a été très souvent suivi d’espoirs déçus.

De l’ex-chef de la junte militaire Moussa Traoré à Alpha Oumar Konaré, en passant par Amadou Toumani Touré, et récemment le putschiste Aya Sanogo et Djokounda Traoré, la valse de changement au sommet de l’Etat a montré ses limites. Il ne faudrait pas perdre de vue également que l’actuel chef d’Etat en exercice, est issu des urnes. Il a pour lui la légitimité démocratique et la reconnaissance internationale. Tout se passe comme si l’opposition politique ayant échoué à conquérir le pouvoir d’Etat à la régulière – par les urnes-, s’échinent désormais à faire partir le président par des manifestations de rue enflammées.

  • UNE OPPOSITION POLITIQUE A BOUT DE SOUFFLE

A quoi nos Etats devraient s’attendre, toutefois, que l’opposition politique jugerait le tenant du pouvoir et le système qu’il incarne incompétents et corrompus et qu’elle voudrait sur le moment les évincer par la voie de la rue ? Assurément un chaos ! La démocratie a pour marqueur majeur de policer le jeu politique en le soustrayant à l’engrenage de l’insurrection, du soulèvement populaire, pour faire place à la bataille des idées. A cet effet, elle consacre des espaces d’expression populaire, notamment, à travers les joutes électorales, qui laisse le soin à chaque sensibilité politique de pouvoir s’exprimer et solliciter ainsi le suffrage du peuple. Toute autre voie d’accession au pouvoir d’Etat est bien entendu condamnable. La CEDEAO (communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) l’a consacré dans un de ses protocoles additionnels. Très à cheval sur ce principe et jouant le rôle de bons offices dans la résolution de cette crise, elle fait du maintien de l’actuel chef d’Etat malien, une ligne rouge à ne pas franchir. Comment peut-il en être autrement ? Quand on sait que son départ ajouterait de l’instabilité à l’instabilité.

L’opposition malienne gagnerait à améliorer son offre politique et surtout à sortir de la balkanisation dans laquelle elle est engouffrée dans l’espoir de rafler la mise aux prochaines échéances présidentielles, au lieu de tenter à bras raccourci d’accéder à la magistrature suprême par le moyen de la rue. On pourrait le dire à la voie de la rue, il faut qu’elle substitue la voie des urnes. La radicalité, le jusqu’au boutisme de l’opposition politique à obtenir la démission de l’actuel chef d’Etat malien, en dépit de tous les efforts de médiation, n’est pas une option. Pire, cette radicalité est un ferment de déstructuration de l’Etat malien, elle alimente le délitement de ce qu’il reste de l’appareil de l’Etat. Plus que jamais, aujourd’hui, la crise, il serait plus judicieux de dire les crises  auxquelles fait face le Mali, commandent un sursaut  national. Il y va de son existence même!

  • DE LA NECESSITE D’UN DIALOGUE NATIONAL

La très mauvaise passe, la situation politique délétère dans laquelle le Mali s’enfonce indéfiniment, ne se dénouera qu’à l’aune d’un véritable dialogue national, inclusif de tous les protagonistes. Une paix des braves, qui ne se fera qu’au prix de concessions réciproques. La survie du Mali, puisque c’est de cela qu’il s’agit, exige qu’on se départisse de toutes les postures jusqu’au boutistes, pour ne privilégier que l’intérêt supérieur du Mali. Puisque, tout le monde – opposants et tenants du pouvoir- s’en réclame d’ailleurs, prétendant n’œuvrer que pour le seul bien public, la conjoncture actuelle devrait connaître logiquement une sortie de crise rapide. Sauf qu’à l’épreuve des faits, la réalité est toute autre. Chaque camp semble manœuvrer pour la défense de ses intérêts égoïstes, qui pour défendre ses privilèges, qui pour accéder au pouvoir d’Etat et bénéficier par voie de conséquence de ces mêmes privilèges. Une élite politique plus soucieuse de ses seuls intérêts que des malheurs du peuple, qui à la vérité, est celui qui trinque. A ce qu’on sache, aucun acteur politique de cette crise et aucun membre de leur cercle familial n’ont fait les frais de cet embrasement social, en termes de blessés ou de morts. Seul le peuple comme à l’accoutumée paie un lourd tribut, il est envoyé en pâture à la mort, exposé à toutes les exactions. A charge à lui également de cultiver une certaine maturité politique, qui lui éviterait d’être instrumentalisé comme un simple marchepied dans la perspective de l’accession au pouvoir d’Etat. Il faut résolument se mettre à l’idée que les maux qui gangrènent la société malienne- panne de gouvernance, corruption endémique, insécurité …, ne se résolveront pas à coups d’intimidations, de départ forcé du chef de l’Etat. Seuls une concertation nationale à même de poser le bon diagnostic assorti d’un suivi des recommandations et une construction citoyenne dans le sens du respect du bien public et un réarmement moral, peuvent  être des gages durables pour sortir le Mali de l’ornière.

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