« CHAMPIONNE DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE…TERREAU DE LA MISЀRE SOCIALE ! »

1 novembre 2017

« CHAMPIONNE DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE…TERREAU DE LA MISЀRE SOCIALE ! »

L’Afrique de l’ouest, comparativement aux autres régions du monde connaît une embellie économique sans précédent. Créditée d’un taux de croissance économique de 6%  par la banque mondiale, la zone ouest-africaine détone par sa bonne santé macro-économique, de quoi faire pâlir d’envie de nombreux États, dont les puissances européennes à la croissance en berne, voire atone. Cependant, ce tableau économique flatteur, cet agrégat de chiffres macro-économiques  semble être l’arbre qui cache la forêt des difficultés existentielles qui assaillent les masses populaires au quotidien.

Aux premières loges de ces pays ouest-africains à forte croissance économique figure incontestablement la Côte  d’Ivoire, avec ses 9% de croissance annuelle depuis 2013. Et pourtant, la précarité sociale n’a jamais été aussi forte sous les latitudes ivoiriennes. Hormis l’élite dirigeante et la classe de nouveaux riches qu’elle a suscitée, le petit peuple se meurt, incapable qu’il est d’assurer ses besoins les plus basiques. Entre cherté de la vie, inflation galopante et chômage de masse, le citoyen lambda ne sait plus à quel saint se vouer tant il est vrai que la conjoncture sociale est de plus en plus insupportable. Pour preuve, les nombreux remous sociaux(les grèves à répétition et les mutineries) qui agitent le front social, et surtout l’exode important des ivoiriens sur le chemin de l’immigration clandestine que le politologue camerounais Achille M’Bembe qualifie à bon droit « d’immigration du désespoir ». Dans un passé récent, les ivoiriens n’avaient pas cette inclination à s’expatrier, surtout pas par le chemin combien difficile voire périlleux de l’immigration clandestine vers l’Europe. Les choses ont bien changé, signe des temps, des milliers de jeunes ivoiriens sont de plus en plus candidats à ce voyage périlleux, au point d’être aujourd’hui le gros de la troupe de la zone ouest-africaine selon les derniers chiffres de l’organisation internationale de la migration. Les ivoiriens de plus en plus n’hésitent plus à franchir le pas, au mépris de leur vie, réduits qu’ils sont à un manque de perspectives sociales. Une absence de ressenti social en termes d’amélioration substantielle des conditions existentielles qui  accrédite la thèse de l’économiste ghanéen George Ayiteh qui parle « de croissance sans développement » ou encore cette charge virulente de l’opposant ivoirien Pascal Affi N’Guessan, qui ironise en dénonçant ces ‘’performances macroéconomiques’’ de : « croissances appauvrissantes ».

C’est un paradoxe bien ivoirien que dis-je ouest africain que d’afficher des taux de croissance records et d’avoir une population qui végète dans une misère criante. Malheureusement, c’est une tendance lourde à l’échelle de la zone ouest-africaine. Du Burkina-Faso, en passant par le Niger, le Benin, le Togo, le Sénégal, le Ghana….les récriminations sont les mêmes. Les performances macro-économiques n’ont pas un réel impact social sur le vécu des populations. La croissance économique, loin d’être inclusive semble réserver ses fruits à une certaine élite : le cercle très fermé de la classe dirigeante et de leurs proches. Il faut bien se l’avouer, l’actuelle classe dirigeante ouest africaine a déçu à bien des égards en matière d’attentes sociales. Réputés pour être des technocrates de haut vol et porteurs d’immenses espoirs sociaux, nos chefs d’État à l’épreuve du pouvoir se sont révélés fort décevants, du moins en ce qui concerne les acquis sociaux. De l’ivoirien Alassane Ouattara, au malien Ibrahim Boubacar Kéita, en passant par le sénégalais Macky Sall ou encore le béninois  Patrice Talon pour ne citer que ceux là, ils brillent par leur absence de résultats sociaux. C’est peu que de le dire, les fruits n’ont pas véritablement tenu la promesse des fleurs.

Plus que jamais, il importe que  la forte croissance économique enregistrée dans nos États ait un effet d’entraînement  sur l’ensemble de la société, dans le sens d’une meilleure inclusivité ou d’un partage équitable de ses fruits. D’ici là, pour les masses sociales, la même boutade fleurit sous toutes les langues : « on ne mange pas la croissance ! »

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