Crise migratoire en Europe : « Il n’y a pas de victimes innocentes! »
La formule est de l’écrivain français Jules Romain. Elle pourrait à bien des égards, remarquablement faire écho aux récriminations incessantes d’une partie de l’opinion publique européenne qui se hérisse face à l’afflux massif des migrants sur le vieux continent.
Si l’Europe à beau jeu de claironner qu’elle ne peut abriter toute la misère du monde, il n’en reste pas moins que l’Occident en général est en partie responsable de cette misère insoutenable qui gangrène certains espaces géographiques de la planète. Sans vouloir diminuer la responsabilité des élites dirigeantes afghanes, irakiennes, syriennes ou africaines pour ne citer que celles-là dans ce qu’il est convenu d’appeler « la migration du désespoir », force est de constater que l’Occident de par ses agissements arrogants et conquérants a fait le lit à certains égards de la déstabilisation de certaines parties du monde.
Hier au nom d’un faux universalisme ou d’un européocentrisme sans limites, le continent africain a été mis en coupe réglée sur le plan économique, ses bras valides déportés et sa culture dévastée. De la traite négrière à la colonisation en passant par l’actuel néo-colonialisme déguisé (sur le plan économique et politique) que subit l’Afrique, il est clair que ces facteurs structurants ne sauraient être ignorés dans l’état présent de décrépitude du continent africain. Le passé pèse sur le présent même si ce présent a pour vocation à être amélioré à la lumière des erreurs antérieures. L’Europe peut se gargariser d’être opulente, mais cette richesse ne s’est pas construite en dehors du sang, de la sueur et des ressources naturelles africaines. Tant s’en faut d’ailleurs.
Comment passer sous silence encore le rôle déstabilisateur de l’Occident en Libye, en Irak et en Afghanistan. Au nom de la prétendue lutte contre le terrorisme, ces pays gros contributeurs de migrants ont été mis à feu et à sang faisant ainsi indirectement le lit de l’extrémisme et du terrorisme.
L’Afrique subit de plein fouet les effets pervers du dérèglement climatique
Comment passer sous silence également les effets ravageurs du réchauffement climatique en grande partie occasionné par la forte industrialisation de l’Occident dont l’Afrique pâtit particulièrement. Plus que jamais la dette écologique ou la justice écologique se pose avec acuité. Quand on sait que les pays développés freinent des quatre fers pour alimenter de cent milliards de dollars le fonds vert destiné à soutenir les pays pauvres dans leur effort écologique, on se surprend dans la foulée à constater un nombre croissant d’Africains candidats à l’émigration. Pour une population à majorité rurale, l’Afrique subit de plein fouet les effets pervers du dérèglement climatique. Elle est donc est exposée à une plus grande précarisation des masses sociales et à un fort risque pour ses fils de s’expatrier.
En un mot comme en mille, l’Occident ne saurait être indéfiniment un îlot de prospérité dans un océan de misère et d’instabilité. Au-delà du devoir humanitaire, c’est un devoir existentiel pour l’Occident en général de contribuer à l’avènement d’un monde beaucoup plus juste et solidaire. Les tours de vis migratoires ou la volonté de transformer l’Europe en une forteresse n’y feront rien. C’est bien connu : « On n’arrête pas la mer avec les bras ».
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